Cet article n’est pas exhaustif, il propose simplement d’introduire des notions, sur ce qu’il serait possible de mettre en place pour diminuer l’empreinte carbone des produits numériques.
Mise en contexte
Aujourd’hui le numérique prend une place non négligeable dans l’impact écologique mondial. Le domaine du numérique est responsable d’au moins 2% des émissions de gaz à effets de serre mondiales et ça augmente. Le numérique rend beaucoup de services, c’est un domaine qui a été déterminant dans le développement de la société actuelle, et aujourd’hui on prend conscience que ces outils numériques ont des effets néfastes sur l’environnement. Surtout si mal implémenté, les produits numériques peuvent avoir un impact négatif. Le but de cet article est de voir qu’il existe des solutions pour améliorer l’impact écologique de nos produits numériques. On peut faire des efforts dans plusieurs domaines impliqués dans la conception d’un produit.
Le but de l’éco-conception n’est pas de stopper complètement les émissions liées à un produit (ce serait incompatible avec le domaine du numérique). Le but est de diminuer l’impact écologique du produit en prenant des décisions de conception avec l’écologie en tête.
Les appareils que nous utilisons pour accéder aux services numériques sont de plus en plus performants. Chaque année les constructeurs vantent les qualités de leurs produits en mettant en avant l’innovation technologique nous permettant d’utiliser nos produits de façon plus fluide et plus rapide. Les produits numériques eux augmentent leur consommation en ressource, il faut des appareils de plus en plus puissant pour pouvoir naviguer sur les derniers sites internet, utiliser les dernières applications. Des deux côtés on court derrière la performance et on est toujours plus gourmand en ressource.
Et si on se posait la question, a-t-on vraiment besoin de toute cette puissance pour nos appareils ? A-t-on vraiment besoin que nos produits aient autant de fonctionnalités ?
Concevoir son produit
La première partie est la conception du produit. A cette étape là on peut faire des choix sur les spécifications fonctionnelles.
En passant en revue les fonctionnalités on peut se poser les questions : “Cette fonctionnalité est-elle vraiment utile ?”, “Cette fonctionnalité va t-elle être vraiment être utilisée ?”, “Quelle est la valeur ajoutée de cette fonctionnalité ?”.
Bien sûr ça revient au propriétaire du produit de faire des choix de cette ampleur, on n’a pas toujours la main sur ce genre de décisions. Mais il est possible de soumettre l’idée pour sensibiliser à l’éco-conception. L’idée est de ne pas introduire des fonctionnalités superflues qui vont accaparer des ressources, mais rester concentré sur la fonction première du produit pour ne pas s’éparpiller.
C’est le point qui a le plus d’effet positif sur l’impact environnemental, mais c’est aussi très difficile de faire des compromis sur ce point en n’ayant pas l’impression d’appauvrir son produit.
Maintenant, en ayant la liste des fonctionnalités, on peut prendre du temps pour identifier les points où on peut alléger les données. On peut se poser les questions : “A-t-on besoin de stocker toutes ces données ?”, “Peut-on les stocker de façon temporaire plutôt ?”. L’idée est d’alléger sa base de données en mettant en place des protocoles pour nettoyer les informations. Peut être peut-on définir un délai avant de supprimer des données stockées en base ? Il peut être intéressant d’analyser le produit et identifier si des données ne sont plus ou très peu utilisées.
Imaginons un service de vidéos en streaming qui supprimerait les vidéos qui ont été postées depuis plus de 2 ans. Peut être que ces vidéos ne sont plus ou très peu visionnées ? Quel serait l’impact sur le produit si les vidéos de plus de 2 ans étaient supprimées ? Si l’impact n’était pas important il serait possible de réduire la taille des données stockées en les supprimant.
Un autre point, plus précis, est le cas des notifications. Certains produits ont tendance à inonder leurs utilisateurs de notifications et ceux sur plusieurs canaux (smartphone, emails, SMS…). L’impact des notifications est important et se multiplie selon le nombre d’utilisateurs. On peut se poser la question de savoir si l’utilisation de notifications est nécessaire, est-ce que les notifications apportent une vraie valeur ajoutée au produit.
Implémentation côté backend
La deuxième partie va se porter plus précisément sur les solutions pouvant être mises en place dans l’implémentation du backend.
Un des premiers choix qui va être fait est le choix de l’hébergeur où le service va être déployé. Dans le cadre d’éco-conception on préfèrera se tourner vers un hébergeur près de ses utilisateurs. Donc la première étape est d’analyser le profil des utilisateurs et de choisir un hébergeur près de ses utilisateurs. Bien sûr, on a pas attendu l’éco-conception pour avoir cette réflexion et choisir un hébergeur au plus près de ses utilisateurs pour héberger son service backend n’est pas nouveau. Mais bon le rappeler fait pas de mal.
Le deuxième aspect à prendre en compte est le type de ressource utilisé pour alimenter le datacenter de l’hébergeur et comment l’énergie est produite. Certains hébergeurs communiquent sur le type d’énergie qu’ils utilisent pour alimenter leurs équipements ou même communiquent sur des méthodes qu’ils mettent en place pour optimiser l’énergie consommée et limiter le gaspillage (par exemple OVH : https://corporate.ovhcloud.com/fr/sustainability/environment/). Comme exemple on peut parler des datacenter de Amazon situés dans l’état de Virginie aux Etats-Unis où la génération d’électricité est en majorité produite grâce aux énergies fossiles et seulement 5% de la production provient d’énergies renouvelables. Il existe des sites, comme https://www.rte-france.com/eco2mix/la-production-delectricite-par-filiere qui donnent la répartition des sources d’énergies en France. Ou bien le site, https://app.electricitymaps.com/map, qui donne de nombreuses informations sur la production d’énergie par pays pour vous aider à choisir.
L’idée générale de l’éco-conception c’est de limiter l’utilisation de ressources inutiles. Dans le cas d’un backend on peut penser à la taille des requêtes qui sont échangées. Une notion appelée “over-fetching” est le fait d’avoir le backend qui renvoie des infos qui ne seront pas utilisées par l’entité appelante. Une autre notion est “under-fetching”, qui à l’inverse est le fait de ne pas renvoyer assez d’informations, ce qui peut amener à devoir faire plusieurs appels pour avoir les informations voulues. Dans les deux cas il est possible d’optimiser son backend en analysant le format de renvoi des routes et voir si les informations contenues dans les réponses sont suffisantes ou au contraire incomplètes.
Dernière piste pouvant être mise en place pour le backend est l’utilisation de cache. Peut être que le service n’a pas besoin d’envoyer les dernières données à chaque appel. Peut être qu’il est possible de les actualiser toutes les 5 minutes seulement. La mise en cache permet au serveur de répondre directement sans devoir faire de calcul derrière, économisant ainsi l’utilisation des ressources du serveur.
Implémentation côté frontend
La troisième partie porte sur les solutions pour l’implémentation du frontend.
Le point général est de diminuer la consommation de ressources CPU, RAM pour que les appareils consomment moins d’électricité et que le produit puisse tourner sur des appareils anciens. L’idée est de ne pas contraindre les utilisateurs a changer d’appareil pour pouvoir utiliser le produit.
L’idée général pour le frontend est que les plateformes frontend (application mobile, site web…) vont limiter leurs besoins en puissance pour qu’elles puissent fonctionner sur le plus d’appareils possibles. On peut penser à l’utilisation en RAM et CPU notamment, mais aussi la version d’OS pour les applications mobiles, et les versions de navigateur pour les sites web, par exemple. Ici, l’éco-conception pousse à développer des produits qui tournent sur des appareils de plusieurs générations. Un des éléments impactant grandement la crise climatique est la production d’équipements. Si on développe des produits qui ne sont utilisables que par des appareils de dernière génération, ça oblige les utilisateurs à devoir être équipés des appareils les plus récents et à devoir renouveler leurs équipements pour pouvoir utiliser les produits les plus récents. Ce point permettra en plus de proposer le produit à un plus grand nombre d’utilisateurs.
Un deuxième aspect qui mérite réflexion est l’utilisation d’images et vidéos. Elles sont en grande partie responsables de la taille des pages web. Il est possible d’optimiser l’utilisation des images pour qu’elles aient un impact moins important. Tout d’abord, pensez à redimensionner vos images, il est inutile de stocker une image en 4 000px par 4 000px pour l’afficher dans un bloc de 500px. En ayant une image sur-dimensionnée pour son usage, vous remplissez votre espace de stockage inutilement et demanderez au navigateur, de l’utilisateur, des calculs en plus pour la redimensionner. Ensuite, pensez aussi à compresser vos images, il existe de nombreuses façons pour réduire la taille d’une image, plusieurs sites proposent leur service de compression (comme https://tinypng.com/ par exemple). En ce qui concerne les vidéos, son utilisation doit être réfléchie, c’est certes un moyen de communication puissant, mais il requiert une bonne connexion internet pour pouvoir être lu dans de bonnes conditions. Donc la première réflexion à avoir est “est-ce que l’usage d’une vidéo est indispensable ?”. Si effectivement son usage est justifié alors vous pouvez vous demander de quelle résolution doit être cette vidéo. Selon le site https://gs.statcounter.com/platform-market-share/desktop-mobile-tablet/worldwide , en 2022, 58% du trafic internet se faisait sur mobile, donc ce n’est pas nécessaire de prévoir du 8K, une vidéo en 720p est suffisante pour la plupart des supports. L’autre point, est de se demander si la durée de la vidéo peut être réduite, une vidéo plus courte veut dire moins d’espace de stockage nécessaire, moins de bande passante utilisée. Et de même que pour les images, pensez à compresser vos vidéos, par exemple avec le logiciel https://handbrake.fr/.
Dans le cas des images et vidéos, la question la plus importante est de savoir si l’utilisation est indispensable, la meilleure solution pour économiser des ressources ici est tout simplement de ne pas en utiliser mais bien sûr ce n’est pas toujours possible.
Conclusion
On a vu qu’il y avait des solutions à plusieurs niveaux, alors oui, certaines sont plus simples à mettre en place que d’autres, certaines sont même peut être impossible à mettre en place car elles ne dépendent pas forcément de nous mais du propriétaire du produit.
Dans le domaine du numérique il est impossible de ne pas polluer du tout, le but n’est donc pas de vouloir créer des produits qui ne polluent pas, mais de réduire l’empreinte carbone de son produit.
Il y a beaucoup d’autres points qui n’ont pas été abordés ici, le but n’était pas de faire un guide détaillé sur comment mettre en place une vision d’éco-conception dans ses produits, mais plutôt une petite introduction pour montrer qu’il existe des solutions pour participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Qu’à tous niveaux, être sensibilisé à l’éco-conception est bénéfique et chacun a un rôle à jouer.
Merci d’avoir pris le temps de lire cet article, je vous partage des liens de ressources sur lesquelles je me suis appuyé pour écrire cet article. N’hésitez pas à aller voir ces ressources pour aller plus loin sur ce sujet !
Plus de ressources
Le guide d’écoconception de services numériques : https://eco-conception.designersethiques.org/guide/fr/content/0-introduction.html
Ecoconception web : https://ecoconceptionweb.com/
Devenir un développeur green avec l’éco-conception web : https://alexsoyes.com/eco-conception-web/
L’impact environnemental du numérique: mythes, réalités et actions utiles : https://www.youtube.com/watch?v=rtG77t9kshE
Pôle éco-conception : https://www.eco-conception.fr/static/eco-conception-de-service-numerique.html
